La maison d’Ablodé connait souvent des crises cycliques. Ce courant politique qui se réclame du Père de l’indépendance du Togo, Sylvanus Olympio et de son parti, le Comité de l’unité togolaise (CUT), est souvent miné par des problèmes de suspensions et de dissidence. La dernière illustration de cette crise est la sanction infligée par l’Alliance nationale pour le changement (ANC) en mi-février 2023 à son secrétaire général adjoint Ouro-Akpo Tchagnao.
L’histoire de ce courant politique est toujours émaillée de crise à l’interne. Le CUT hier, l’UFC et l’ANC aujourd’hui sont des partis politiques au sein desquels la dictature de la discipline est très dure. D’aucun trouveront que c’est de bonne guerre car la discipline est l’essence même de la vie publique. Mais user à chaque fois le bâton peut s’avérer parfois contre-productive. La sanction qui, au lieu de ramener à la raison le fautif, -parfois sans lui donner la chance de s’expliquer- se transforme purement et simplement à la chasse de ce dernier de la maison d’Ablodé. Tel a été souvent le cas car rares sont les militants dont la sanction a été rendue publique qui sont revenus dans la maison à l’expiration de la procédure disciplinaire engagée contre eux s’ils ne sont pas allés se construire leur « propre hutte ».
Ainsi en lieu et place de la grande maison d’Ablodé tant redoutée par les tenants du pouvoir, on se retrouve avec des microparticules. On dénote l’UFC originelle qui s’est éclatée en plusieurs formations politiques dont le Nid de Gabriel Dosseh-Anyron, l’ANC de Jean-Pierre Fabre, le FPD de Djimon Oré et les Démocrates de Habia Nicodème.
L’ANC qui est née de la dissidence avec l’UFC serait-elle à son tour en train d’être traversée par la contestation à l’interne. Ainsi après la suspension des cadres du parti de la diaspora, c’est le tour de Ouro-Akpo Tchagnao d’être suspendu de toutes les instances du parti orange. Une suspension qui équivaut à une exclusion.
Ouro-Akpo, faut-il le rappeler, est un des piliers du parti dans la région centrale. Fidèle militant convaincu, il a résisté à toutes les tentations (des cadres UNIR de la région mais ensuite du PNP qui voudrait le voir dans ses rangs) pour assurer à l’ANC une base solide dans le Tchaoudjo. Le travail de sape qu’il a effectué lors de la présidentielle de 2010 pour mobiliser Tchaoudjo derrière son candidat n’est pas négligeable.
Pour cet engagement, la population de la région le lui a reconnu en l’élisant à chaque fois comme le seul député de l’opposition de toute la partie septentrionale du pays. Elu d’abord pour le compte de l’UFC, il se verra réélire pour le compte de l’ANC.
Quand l’affaire de l’exclusion des députés UFC de l’Assemblée nationale s’est éclatée, ce 18 novembre 2010, il était parmi les députés exclus (puisque le titulaire de son siège à l’Assemblée nationale nommé ministre n’avait pas réussi à le convaincre à rejoindre le camp de Gilchrist Olympio). Quand son nom, d’ailleurs le dernier sur la liste a été prononcé par le président de l’Assemblée nationale, El hadj Abass Bonfoh, il est le seul à réagir vigoureusement. De son siège, Ouro-Akpo bondit s’est lancé dans une course en direction du président de l’Assemblée nationale en criant qu’il n’a pas démissionné. N’eut été la vigilance du garde-corps de ce dernier qui a eu la clairvoyance de le stopper net avant sa cible, personne ne peut présager ce qui allait se produire ce jour-là.
L’exclusion de cet homme si dévoué à la cause d’Ablodé à la veille des échéances électorales sera un coup dur pour l’ANC dans la région centrale. Sur quel autre homme de poigne le parti pourra encore se baser pour affronter les prochaines échéances. Un parti qui voit d’ailleurs sa popularité s’effriter ces dernières années comme une peau de chagrin. Ouro-Akpo partira avec ces proches.
Ce qui est vrai est qu’il sera difficile à l’ANC de fermer aussi rapidement la page Ouro-Akpo Tchagnao dans la région. Le parti sera le grand perdant de cette exclusion. Tchaoudjo est une préfecture où trois formations politiques sont bien implantées se la disputent amplement : UNIR, ANC et PNP. Mais en suspendant Ouro-Akpo, l’ANC laisse le terrain aux autres formations même s’il faut admettre que le PNP pour l’instant n’est pas dans l’optique de compétition électorale.
Quel avenir politique pour Ouro-Akpo Tchagnao en dehors de l’ANC ?
Mordu par la politique, il sera difficile à l’ex élu de Tchaoudjo de vivre sans faire la politique. Delà va-t-il créer sa « propre hutte » ou va-t-il s’abriter sous la hutte de quelqu’un d’autre ? Si la première hypothèse paraît peu probable, la seconde l’est encore davantage. Après avoir été élu national à plusieurs reprises, Tchagnao n’envisagerait pas militer dans une formation politique qui ne lui permettrait pas à quelques mois des consultations électorales de retrouver son siège de député. Mais le natif de Tchaoudjo n’est pas un homme à vendre aussi facilement ses convictions pour quel que profit que ce soit.
Alors va-t-il franchir le rubicond de mettre sur pied sa propre formation politique ? Tchagnao n’ira pas jusque-là. Le mouvement politique, Lumière pour un développement dans la paix (LDP) qui sera lancé ce jour, 7 mars 2023, dont il est la cheville ouvrière ne serait qu’une manière pour lui d’exister politiquement en attendant que l’horizon s’éclaircit.
Au moment où on prône de plus en plus l’union de l’opposition ce n’est pas en ce moment que ce fils de Tchaoudjo poserait des actes qui iraient à l’encontre de cette union et qui n’arrangeraient pas les forces démocratiques.
De toutes les façons l’opinion sera situé ce jour sur les réelles intentions de Tchagnao Ouro-Akpo au cours du lancement de son mouvement politique.
Francine DZIDULA
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