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La Bulle du Patriote : l’histoire ne doit pas se répéter

 

 

 

Qui a tué le président Sankara ? À cette question, nous répondons tous que c’est un commando envoyé par son frère d’armes, le capitaine Compaoré. C’est ce que la plupart des écrits relatent d’ailleurs. Cela n’est pas faux. Mais j’estime qu’il s’agit de sa liquidation physique car, avant cette mort clinique le 15 octobre 1987, Sankara avait été isolé idéologiquement et tué politiquement par les élites bourgeoises et politico-intellectuelles.

TOGOCOM

Beaucoup disent que l’échec de la Révolution s’explique par les multiples erreurs et dérives du Conseil National de la Révolution (CNR). Cela n’est pas très exact. Il faut avoir le courage de dire que les détracteurs du CNR, qui ne pouvaient rien contre la Révolution à ses débuts, ont juste patienté, tapis dans l’ombre, manipulant l’opinion, attisant le feu, aggravant le choc social et les conflits d’intérêts inhérents à toute révolution. Ils ont attendu que la Révolution multiplie ainsi les erreurs et ils s’en sont servi à partir de 1985 pour alimenter les divisions internes et pouvoir mettre fin au processus révolutionnaire.

Ils ont aussi travaillé avec les ennemis extérieurs pour discréditer le CNR et surtout Sankara. Ils ont tout fait pour briser le soutien populaire, l’enthousiasme des masses et leur engagement au profit des politiques révolutionnaires. Ils savaient qu’un régime révolutionnaire sans la confiance du peuple, isolé et combattu par l’opinion publique nationale ne peut tenir longtemps.

C’est ce qui arriva au bout de 4 ans. Naïvement, une bonne partie du peuple est tombée dans ces pièges. Des villes aux campagnes, le désamour de la Révolution s’est progressivement installé. L’élan populaire s’est estompé et a fait place à un froid social favorable aux intrigues. Sankara s’est senti progressivement incompris. Abandonné par ceux pour qui il nourrissait de grands rêves et  menait sa politique d’austérité, sa mort politique était consommée. C’est dire qu’en plus du  commando qui a pris d’assaut le Conseil de l’Entente, le peuple burkinabè est aussi responsable des évènements du 15 octobre. Les Burkinabè n’ont pas su accompagner et protèger leur <<Messi>. Ils l’ont trahi et voué aux gémonies. Certains l’ont fait par naïveté et d’autres par caution tacite.

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Si l’on disait aujourdh’ui que le 16 octobre 1987, au lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, des foules ont marché à Ouaga et à Bobo pour dénoncer la Révolution et soutenir Blaise Compaoré, personne ne croira. Mais c’est bel et bien ce qui s’est passé. Même si de nombreuses personnes furent attristées, beaucoup sont ceux qui poussèrent un ouf de soulagement. C’est aussi ça la versatilité des Burkinabè. Les egos et les débats creux  ont souvent primé sur l’intérêt national. De nos jours, 40 ans après, en dépit des dérives de la Révolution, l’histoire nous prouve que Sankara avait raison et que ceux qui ne l’ont pas soutenu ont eu tort. Leur opposition n’a pas été préjudiciable à Sankara seulement mais surtout à la Nation entière.

 

Aujourd’hui, le défi de la génération actuelle est d’éviter les erreurs des années 80. C’est d’accroître la conscience politique et la veille citoyenne pour être à même de défendre les politiques pro-peuple de la Transition. Le défi actuel est d’apprendre de l’histoire pour éviter la répétition de l’histoire. Si la Révolution sankariste doit nous servir d’école,  le message est clair : savoir rester mobilisé et alerte autour de la Transition pour que la rupture entamée soit maintenue et poursuivie. Les Burkinabè doivent apprendre à éviter les erreurs qui ont conduit à l’échec de la Révolution : le découragement, les infiltrations, la manipulation, l’intoxication, la focalisation sur les détails qui divisent et non sur l’essentiel qui devrait unir.

 

Depuis combien de temps avons-nous aspiré à une gouvernance attentive à l’opinion publique, qui pend ses distances avec la France comme Sankara, qui combat la corruption et le laxisme, qui donne l’espoir pour une indépendance  réelle ?  Depuis la fin de la Révolution, aucun régime qu’il soit démocratique ou militaire n’a donné satisfaction aux masses populaires comme l’actuelle Transition. Le réalisme voudrait donc  qu’on reconnaisse au moins cette vérité et que l’on travaille à ne plus avoir des héros morts qu’il faut regretter après leur passage. Cette aventure pour la quête de la souveraineté engage la responsabilité de chaque citoyen. Savoir démasquer le faux, ne pas se laisser détourner des priorités, éviter les diversions.

 

Le train du changement est déjà en marche. Comme sous la Révolution, personne ne pourra l’arrêter si le peuple est engagé et déterminé. On ne défend pas les intérêts de son pays en s’enfermant dans un mutisme complaisant ou dans une passivité mais en prenant position, en s’adonnant à la critique constructive. Notre génération sera,-t-elle  coupable de par son attentisme ou jouera-t-elle un rôle moteur dans ce nouveau tournant de l’histoire ?

Soyons alertes et combatifs !

 

  Dr Hyacinthe W. OUÉDRAOGO, écrivain, enseignant-chercheur.

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