Il est évident que la liberté de ton et le courage dont faisaient montre les journalistes de Radio Légende FM qui contrastaient avec les habitudes d’un régime réfractaire à la liberté de presse ne plaisaient pas à tout le monde. Après la fermeture de Radio X-Solaire, tout est clair que Radio Légende était dans les viseurs.
Le 25 juillet 2013, les Togolais se rendaient aux urnes pour renouveler la chambre des députés. Au cours de cette élection, Radio Légende émettant depuis la colline de Tokoin Hôpital, a déployé ses reporters dans plusieurs quartiers de Lomé. Au cours de la couverture de cette élection, un reporter de la radio qui intervenait en direct a déclaré que le domicile du chef quartier de Nyékonakpoè, Togbui Kakè, a été transformé en bureau de vote.
Sans attendre une décision de la HAAC, l’institution en charge de la régulation des médias, les forces de sécurité débarquent à la Radio pour interrompre les émissions. Face à cette irruption brutale et irrégulière, les auditeurs alertés par les bruits en direct affluent par centaines au siège de la Radio.
L’intervention de Mgr Nicodème Barrigah, président de la CVJR permettra de ramener le calme. Mais au moment où les forces de sécurité se repliaient, elles ont été prises à partie par la population qui a commencé par leur jeter des projectiles. In extremis, le dernier des agents a pu s’échapper aux projectiles pour rejoindre les fourgonnettes.
Sur ces entrefaites, la HAAC intervient pour fermer la radio pour un mois. A la suite de cette fermeture, il était alors clair que la tête de la radio est mise à prix. Ce n’est qu’une question de jours pour faire taire la 92.7 FM.
Le lundi 26 août 2013, radio Légende FM venait de purger un mois de suspension. A peine les émissions ont repris que la décision n°008/HAAC/13/P du 23 août 2013 portant refus de renouvellement de l’autorisation d’installation et d’exploitation de la radio Légende FM, publiée dans le quotidien national Togo-Presse n°9105, est notifiée à la radio.
Quelques heures après la notification, les agents de l’ART&P appuyés par les forces de l’ordre procèdent à la fermeture de la radio en réclamant l’émetteur.
« La fermeture de cette radio – quelle que soit la faute qu’elle ait pu commettre – est un coup dur non seulement pour le personnel mais aussi pour la grande famille d’auditeurs, sans lesquels elle n’aurait pas atteint la cote de popularité qu’on lui connaissait », déclarait un journaliste de la radio qui demandait la clémence des autorités pour sauver l’emploi des jeunes qui travaillent au sein de la radio.
Dans la foulée, le Directeur de la Radio, Flavien Johnson est auditionné dans les locaux du Service de renseignements. Par ailleurs, il sera convoqué devant le juge avec l’un des journalistes de la radio, Félix Nahm-Tchougli. Il est reproché à ce dernier d’avoir accordé une interview au Commandant Amah Oliver.
A la suite de cette convocation, Félix Nahm-Tchougli sentant menacé prendra en décembre 2013 le chemin de l’exile pour sauver sa peau.
UN TOURNANT DANS L’HISTOIRE DE LA PRESSE TOGOLAISE
Juste après la fermeture de cette radio, des rumeurs, sans fondement réel imputant la responsabilité à certains membres de l’équipe dirigeante d’alors, ont été largement distillées dans l’opinion par d’autres journalistes de la presse privée togolaise afin de les discréditer aux yeux de la population. Certains sont allés jusqu’à organiser des émissions contre nos confrères de Légende FM, les taxant de tous les noms d’oiseau. Des rumeurs qui se sont révélées fausses des années plus tard. Mais le mal était déjà fait.
Aujourd’hui, dispersés aux quatre coins du monde, nos confrères de la radio Légende FM ont laissé un vide que les autres radios peinent à combler. Leur courage et leur professionnalisme dans le traitement de l’information faisaient d’eux des cibles à abattre.
La fermeture de Légende FM est un tournant dans l’histoire de la presse privée togolaise.
En effet, suite à la « mise à mort » de cette radio qui dérangeait, les autres médias de la place, ayant pratiquement la même ligne éditoriale, sont devenus méconnaissables. Si certains ont décidé de s’autocensurer, d’autres ont carrément tourné la veste devenant des caisses à résonance du parti au pouvoir. Ainsi, faire du journalisme au Togo devient un crime de lèse-majesté. La plupart des temps, ce ne sont plus les gouvernants qui s’attaquent aux journalistes. D’autres confrères « de la maison » s’en chargent.
Mais quand on croit que le malheur n’arrive qu’aux autres, quand son tour arrivera personne ne sera là pour lever son petit doigt. Qui pourra imaginer qu’un jour après Légende FM, ce sera le tour du groupe de média LCF-City FM d’être fermé pendant le règne de ce parti au pouvoir ? Les roues tournent.
Œuvrons tous pour une société juste et équitable où les droits de tous et de chacun seront respectés. Le journaliste doit être l’éclaireur de notre société, le défenseur du plus faible, de l’orphelin et de la veuve. Mais s’il vend son âme au diable au profit des intérêts personnels en taisant devant les injustices de notre société, il ne sert plus à rien. Il a perdu sa vocation qui est de faire de sa profession un sacerdoce.
…Parce qu’un peuple sans histoire est un monde sans âme.
Albert AGBEKO
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